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Première mondiale à l’UCNA !

Dans la région nantaise, beaucoup brocardent notre club pour son originalité et par exemple, pour l’habitude prise d’agrémenter les sorties avec des pauses gourmandes. Il semblerait plus légitime et conforme à l’esprit cyclosportif de partir en trombe, rouler à la limite de l’explosion, sans lever la tête ni desserrer les dents et se jeter sur son GPS dès le pied à terre pour lire avec jubilation la distance parcourue, la moyenne, la vitesse maxi et parfois la cadence de pédalage. Ces chiffres, que certains s’empressent de balancer sur les réseaux sociaux, seraient censés faire le vrai cycliste, celui qui mesure son plaisir à la circonférence de ses cuisses…

Sans nier l’intérêt de cette approche chez les jeunes, nous défendons un certain plaisir de vivre pour les plus anciens, adultes confirmés et retraités. Le cyclotourisme c’est aussi et peut-être d’abord le bonheur de rouler sur de petites routes sans circulation, en traversant des paysages, entouré de copains et copines avec qui échanger. La performance n’est qu’un aspect des choses, pas toujours essentiel.

Lors de mon arrivée au club je me souviens avoir été surpris par deux faits. Le premier était le constat que la pratique sportive du vélo n’empêche pas, selon les morphologies, une certaine protubérance de l’abdomen. Pour retrouver un ventre plat, le vélo n’est pas l’arme absolue… La seconde surprise était de voir un groupe de très anciens, plus de 80, qui faisaient chaque dimanche matin leurs 50 km. La plupart roulaient depuis leurs culottes courtes, avaient traversé la France dans tous les sens et n’envisageaient pas d’arrêter. Respect.

Donc, l’UCNA est un club atypique et je vais ajouter une raison supplémentaire en me livrant ici, devant vous, à une critique littéraire de Socrate à Vélo, ce qu’à notre connaissance, aucun autre club n’a tenté à ce jour !

Guillaume Martin est un coureur, leader de l’équipe Cofidis, qui défraie la chronique non seulement parce qu’il est talentueux, mais aussi parce qu’il a un master de philosophie ! Non ? Si !

Là, c’est fort ! Le coureur cycliste étant supposé doté d’origine d’une vaste caisse de résonance vide entre les deux oreilles et ne pédaler qu’en suivant les consignes du coach dans l’oreillette, cette maîtrise en philosophie fait tâche et nuit gravement à l’image que propagent les beaux esprits, qui n’ont sans doute jamais posé les fesses sur une selle de vélo…

Non content de réhabiliter à lui seul une profession par son parcours exemplaire, Guillaume Martin a pris la plume pour nous raconter une histoire. Mais comme c’est une histoire de philosophes, elle est naturellement compliquée. Le pitch est l’intégration dans des équipes de vélo pros, de vrais philosophes extraits du néant pour apporter au vélo leur dimension. Et Guillaume n’hésite pas, débute par les gréco-romains, Socrate, Platon, Aristote, mais aussi Plotin, avant de poursuivre jusqu’aux modernes, Schopenhauer, Freud et Nietzsche… Évidemment, chacun imprime au vélo son approche de la vie. Ainsi, quand démarre le Tour de France, s’expriment progressivement les valeurs qu’il défend et le Tour lui-même devient une vaste révision de nos cours de terminale…

Où veut-il en arriver ? Très simplement, au fait qu’il est très difficile de supporter conjointement un double statut : philosophe et coureur. Le philosophe attire le journaliste comme la rose attire l’abeille et excite les autres coureurs comme une insulte à leur intelligence. Il se devrait donc d’être exemplaire sur tous les terrains : premier en rhétorique et premier à franchir la ligne d’arrivée.

Promu coleader de sa formation Cofidis, le normand a commencé cette année 2021 par le Tour du pays Basque et a collectionné les difficultés : chute, bris de matériel, jour sans… La sorcière aux dents vertes qui accompagne parfois les cyclistes, ne l’a pas lâché d’un pouce, pas plus que  » Primoz Roglic et Tadej Pogacar, Michael Woods, David Gaudu, Adam Yates, Mikael Landa, Sergio Higuita, Maximilian Schachmann, Alejandro Valverde, et d’autres », tous résolus à gagner…

Bien sûr, cette succession de pépins est dure à supporter, mais elle n’entamera pas la détermination de notre champion car, comme le disait Pierre de Coubertin, qui n’était pas philosophe, mais raisonnait juste, l’essentiel est de participer.

Au-delà d’une histoire compliquée comme les aiment les philosophes, Socrate à vélo est, entre les lignes, le plaidoyer touchant d’un homme sensible qui s’est doublement exposé aux regards critiques. Et cela nous le rend d’autant plus sympathique.

Merci à mes amis Ucénistes qui m’ont offert ce roman à lire en ayant parfois mis tout à gauche sur le plan intellectuel et bonne chance à Guillaume dans ses prochains combats ! Bien sûr, cette critique de Socrate à vélo est une première mondiale dans un club de cyclos…